En 1055, sur des bases d’une ancienne cathédrale carolingienne, le comte d’Anjou Geoffroy Martel, fils de Foulques Nerra souhaite lancer la construction d’un nouvel édifice. Il nomme pour cela Vulgrain, moine d’Angers, connu pour être un excellent bâtisseur. Il va détruire le monument précédent et construire une cathédrale romane, conforme aux modes de l’époque. Cette construction va s’échelonner de 1060 à 1120, date de la dédicace de la cathédrale par Hildebert de Lavardin (le 25 avril), en présence du comte Foulques V.
C’est depuis cette cathédrale en chantier que le pape Urbain II vient prêcher la croisade en 1095.
Deux incendies viennent endommagés l’église en 1134 et 1137, notamment la charpente de la nef. C’est alors que l’évêque Hugues de Saint-Calais va décider le voûtement en pierre de la nef, dans le style angevin, qui va devenir célèbre sous l’appellation de « voûte Plantagenêt », que l’on retrouve partout en Anjou, dans les construction à partir de la deuxième moitié du XIIe siècle. Elle précède et est un peu différente de la croisée d’ogives qui règnera durant tout le XIIIe siècle. Pour les spécialistes et observateurs, vous remarquerez que la voûte Plantagenêt est beaucoup plus bombée que l’ogive et que la clé de voûte est très haute, par rapport au départ des arcs de cette même voûte.
La cathédrale est consacrée en 1158 et c’est alors un bâtiment homogène : nef, transept, chœur et crypte Saint-Julien.
Le roi de France reprend la main sur l’ouest de la France au début du XIIIe siècle, après avoir vaincu Jean sans Terre, roi d’angleterre. L’évêque du Mans, Maurice, rêve alors d’une cathédrale nouvelle, plus haute et plus spacieuse, qui ressemblerait plus aux critères nouveaux, mis en place en Ile-de-France et dans la région dans deux chantiers importants, Chartres et Bourges. En 1217, Philippe-Auguste autorise la construction d’un chœur qui irait au-delà de la muraille gallo-romaine, qui la ceint. Il faut en effet cette autorisation royale pour détruire des murailles, fussent-elles gallo-romaines.
La reconstruction du chœur, achevée en 1273, nécessite une modification du transept vers la fin du XIVe siècle, pour coller avec la nef, romane, qui ne sera jamais transformée, faute de temps, d’argent et de contexte politique complexe : guerre de cent ans (territoire anglais au XVe siècle), guerres de religion (particulièrement violentes dans la région du Mans et qui fit souffrir la cathédrale)
Des chapelles rayonnantes, l’axiale, dédiée à la Vierge est la mieux conservée (du XIVe siècle) et la plus intéressante. Les voûtes des quatre travées sont totalement peintes et évoquent intégralement la musique : partitions, textes de prières et collections d’instruments de musique incroyable. Elles sont les vestiges médiévaux de peintures murales les plus intéressants que nous ayons vu depuis longtemps.
Et puis, bien sûr, la nef angevine, du XIIe siècle, qui est notre coup de cœur. Les grandes arcades reposent alternativement sur des colonnes cylindriques ou sur des piliers à colonnes engagées. Certains chapiteaux sont taillés à la manière corinthienne, d’autres sont juste épannelés (c’est-à-dire à peine dégrossis). Au-dessus, un faux triforium court de part et d’autre de la nef, tantôt aveugle, tantôt ouvert par de petites fenêtres. Le voûtement des cinq travées nous touche particulièrement. A Monumental, nous avons une affection particulière pour la voûte Plantagenêt, elles sont ici magnifiques. Elles culminent à 24 mètres du sol.
La croisée du transept reste sans doute le point d’observation le plus incroyable de ce lieu ou roman et gothique avec une grande habileté, alors que ces deux parties n’étaient pas censées cohabitées. Elles le font tout de même, et c’est passionnant.
Lorsque vous passerez au Mans, nous vous conseillons de vous perdre dans le dédale des ruelles médiévales (nous y reviendrons), mais surtout, prenez le temps de découvrir dans le détail l’une des cathédrales les plus atypiques, les moins connues aussi, mais surtout une des plus instructives que nous connaissions.