Petite précision pour commencer : la basilique Saint-Martin et la collégiale Saint-Martin ne sont pas les mêmes édifices. La collégiale est l’église médiévale, lieu de passage incontournable du pèlerinage vers Saint-Jacques de Compostelle. La basilique actuelle est l’église construite au XIXème siècle par Victor Laloux qui jouxte l’ancienne collégiale (v. article basilique). Nous traitons dans un premier temps la collégiale médiévale, par souci de cohérence chronologique.
Saint Martin n’est pas mort à Tours, mais à Candes (aujourd’hui Candes-Saint-Martin, il nous faudra y revenir), à la confluence de la Loire et de la Vienne. Comme il fut évêque de Tours, sa dépouille fut rapportée et modestement inhumée le 11 novembre 397 dans un sarcophage le long de la voie antique (actuelle rue des Halles), dans ce qui semblait être un simple cimetière de chrétiens. Son successeur, l’évêque Brictius, vers 437, couvrit sa tombe d’une chapelle « petite mais au plafond élégant ». Puis l’évêque Perpetuus (461-491) remplaça la modeste chapelle par une somptueuse basilique, dans le but d’exalter le culte à Martin, mais aussi d’établir Tours comme une importante capitale religieuse.
Le lieu subit de nombreuses perturbations dont des incendies en 558 et 994 et une mise à sac par les normands en 800. L’ensemble fut donc reconstruit et consacré en 1014, avec la création d’un nouveau tombeau pour le saint. Des sources font état d’autres sinistres, notamment en 1096, d’une grande reprise de l’édifice vers 1175-1180 et de l’édification de nouvelles chapelles sur les flancs de la nef au XVIème et XVème siècles. Mais ces sources ne disent rien de la réfection du chœur au XIIIème siècle. Le succès de la collégiale fut tel que le quartier entier en fut transformé. De nombreux édifices religieux naissent à côté pour former une cité à part entière, connue sous différents noms : Martinopolis, Sanctum Martinum où plus généralement Châteauneuf. Elle s’unira à la ville de Tours (le castrum gallo-romain) en 1356 avec la réunion des deux au sein d’une seule et même enceinte.
Pillée par les huguenots durant les guerres de religion, victime de la négligence des chanoines, la basilique menaçait ruine à la veille de la Révolution. Transformée en écurie en 1793 et livrée au vandalisme, elle faillit s’écrouler, et les autorités décidèrent une destruction préventive, décidée en 1802 par un préfet clairement anti-clérical, nommé Pommereul. Il décida entre autre le percement de deux rues à l’emplacement de la collégiale. Seules furent conservées deux tours : la tour dite « Charlemagne » (tour nord du transept) et la tour de l’horloge (appelée aussi tour du trésor, la tour sud de la façade de l’église).
Ces deux tours sont les seuls vestiges encore visibles de l’immense collégiale médiévale. Elle était semblable à l’église Saint-Sernin de Toulouse. Pour être plus exact, quatre églises françaises étaient bâties sur le modèle de Saint-Jacques de Compostelle : Saint-Martin de Tours, Saint-Martial de Limoges, Sainte-Foy de Conques et Saint-Sernin de Toulouse, celles de Toulouse et de Tours étant les plus grandes et les plus proches de Compostelle.
Rien ne subsiste du chœur gothique du XIIIème siècle, reconstruit sur le modèle du chœur de la cathédrale de Bourges.
Cependant, la collégiale est très bien connue et souvent décrite. De plus, si nous observons Saint-Sernin de Toulouse, nous avons une bonne idée de l’allure de cette collégiale romane : nef à 5 vaisseaux entièrement voûtée, berceau plein cintre pour le vaisseau principal (avec des arcs doubleaux) et voûtes d’arêtes pour les collatéraux, massif occidental à deux tours, transept débordant important avec des collatéraux et deux absidioles dans chaque bras, sans oublier le déambulatoire à cinq chapelles rayonnantes. Pour ce qui concerne l’élévation, elle était à deux niveaux : les grandes arcades et une tribune (qui surmonte les bas-côtés) qui soutient le berceau.
La seule nuance flagrante entre les deux constructions est l’aspect extérieur, puisque Saint-Sernin est construite de cette pierre rose si caractéristique de la région toulousaine.
Voici une restitution en plan de la collégiale, avec le tracé des rues tel qu'il existe aujourd'hui :
Sont donc encore conservées à Saint-Martin deux tours (A et C) sur l’ensemble de l’imposant édifice. Elles sont toutes deux visibles dans la ville, le long de la rue qui a pris la place de la nef, la rue des Halles. La ville a repavée la rue en lui ajoutant des marques intéressantes pour nous : les marques, en croix, des anciennes piles de la collégiale. Par ce jeu de piste dans cette rue, on peu se rendre compte de la taille de la nef de cette énorme église. Le D est le cloître Sain-Martin. Il n'es reste que quelques vestiges, non visitables car entourés d'habitations privées.
Une nouvelle église sous le même vocable existe aujourd’hui. La basilique Saint-Martin fut reconstruite au XIXème siècle, à un emplacement différent de la collégiale, à cause du développement urbain depuis la destruction. Le choeur vient se superposer à l'ancien, mais dans une direction nord-sud, en perpendiculaire à la rue des Halles. Cette reconstruction ne fut pas simple, mais ceci est une autre histoire…
D'autres images dans l'album photo Ville de Tours
Vestiges de la collégiale Saint-Martin, Tours, rue des Halles.